Le rapport de France stratégie sur l’attractivité de la fonction publique (vol. 13)
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Le temps de travail
Peu d’indicateurs de qualité de l’emploi placent la fonction publique dans une situation nettement plus favorable que le secteur privé. La conciliation des temps fait partie de ces exceptions. Les fonctionnaires et agents publics déclarent une durée annuelle de travail plus faible (même si les comparaisons demeurent très difficiles). Surtout, ils sont en général plus satisfaits de l’équilibre vie privée, vie professionnelle. Cependant, au sein de cet agrégat, certaines professions publiques sont en grande tension, notamment les directeurs d’établissement scolaire, les professionnels du soin et de la sécurité.
La durée annuelle du travail est inférieure dans la fonction publique
La durée annuelle effective de travail des salariés à temps complet du privé est de 1698 heures, contre 1 632 heures pour les agents de la fonction publique (hors enseignants)1 :
- 1 684 heures pour les agents de l’État ;
- 1 599 heures pour les agents de collectivités territoriales (soit près de trois semaines travaillées d’écart) et
- 1 622 heures pour les agents du secteur hospitalier.
Cet écart est essentiellement lié au :
- Nombre de jours d’arrêt maladie, en moyenne plus élevé dans la fonction publique (et tout particulièrement dans la fonction publique territoriale) ;
- Par un nombre plus élevé de jours de congés annuels (congés payés, RTT ou CET)2 et
- Dans une moindre mesure, par le recours plus élevé à la formation professionnelle.
Toutefois, de 2006 à 2023, on constate une réduction progressive de cet écart de temps de travail annuel : celui-ci n’est plus que de 3,6 %, quand il était de 8 % en 2006.

Le travail en horaires atypiques est plus répandu dans la fonction publique
- 57 % des agents hospitaliers ont travaillé au moins une fois le samedi lors des quatre dernières semaines, contre 36 % dans le privé ;
- 53 % des agents hospitaliers ont travaillé au moins une fois le dimanche sur la même période, contre 18 % dans le privé ;
- 45 % des agents de l’État (enseignants compris) et une proportion similaire dans le secteur hospitalier ont subi lors des quatre dernières semaines une « contrainte horaire élevée », contre 25 % dans le privé.


Des durées longues de travail (supérieures à 44 heures par semaine) plus répandues pour certains métiers
Une situation relativement plus favorable pour les cadres administratifs
- 32 % des cadres de catégorie A déclarent travailler plus de 44 heures par semaine ;
- Un pourcentage inférieur à quasiment tous les métiers de cadres dans le privé3, où les réponses vont de 43 % dans les transports à 57 % dans le commerce.
Des contrastes dans le monde enseignement
Les enseignants sont dans l’ensemble moins concernés par les durées longues de travail. Mais, au sein du secteur de l’enseignement, certains corps ou métiers sont nettement plus exposés :
- 41 % des enseignants du supérieur déclarent de telles durées de travail ;
- 78 % pour les directeurs d’établissement. Identifiés comme l’un des trois métiers les plus exposés parmi les 225 familles professionnelles.
Pour rappel, le temps de travail des enseignants ne se résume pas aux heures de présence devant les élèves :

Une intensité au travail particulièrement élevée dans les métiers de la sécurité et du soin
- 33 % des professionnels publics des métiers de la sécurité déclarent travailler sur des durées longues. Ce pourcentage est très inférieur pour les agents de sécurité privée ;
- 71 % des médecins du secteur hospitalier déclarent travailler plus de 44 heures par semaine. Une proportion semblable à celle des médecins libéraux, mais deux fois supérieure à celle des médecins salariés du secteur privé (34 %).
Le recours au temps partiel
Un recours en apparence comparable au secteur privé
La part des agents de la fonction publique travaillant à temps partiel est comparable aux salariés du privé :
- 18 % dans le public ;
- 17 % dans le privé.
Ce recours est plus répandu parmi les contractuels (28 %) et dans la fonction publique territoriale (23 %)4.
Un recours un peu plus égalitaire entre les hommes et les femmes dans la fonction publique
Les femmes sont plus concernées par le temps partiel que les hommes dans la fonction publique, mais l’écart de recours est moindre que dans le privé :
- 24 % des femmes et 8 % des hommes travaillent à temps partiel dans le secteur public (soit un écart de 16 points) ;
- Contre respectivement 28 % et 7 % dans le privé (un écart de 21 points).
Un télétravail un peu plus choisi et pour une durée hebdomadaire en moyenne plus longue que dans le privé
Le temps partiel à 80 % concerne 36 % des femmes du secteur public, contre 21 % du privé. Inversement, 25 % des femmes à temps partiel dans le privé occupent un emploi inférieur au mi-temps, contre 12 % dans le public.
Par ailleurs, 6 % des agents du secteur public disent « subir » leur temps partiel, contre 8 % dans le secteur privé5.
Le recours au télétravail
Le recours au télétravail est possible depuis 2012 dans la fonction publique. Il est néanmoins demeuré marginal jusqu’à la crise sanitaire de 2020.
Le décret du 5 mai 2020 continuait de laisser une marge de manœuvre importante aux administrations publiques. Cependant, l’accord du 13 juillet 2021 relatif à la mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique a bousculé les employeurs en imposant un « droit au télétravail », sauf à justifier d’une impossibilité pour raison de service6.
Désormais, l’autorisation de télétravail peut être délivrée pour un recours régulier ou ponctuel. Concrètement, la quotité de travail pouvant être exercée sous forme de télétravail régulier ou ponctuel peut varier jusqu’à trois jours maximum par semaine, voire davantage dans certaines circonstances.
À l’occasion de la crise sanitaire, le télétravail a été généralisé très rapidement dans la fonction publique. Toutefois, il demeure moins pratiqué que dans le secteur privé :
- 19 % des agents publics pratiquaient le télétravail en 2023, contre 6 % en 2019 ;
- 26 % des salariés de droit privé pratiquaient le télétravail en 2023, alors qu’ils étaient 9 % en 2019.
Sur la conciliation
Une conciliation des temps en moyenne plus favorable dans le secteur public
Les métiers publics sont en général plus favorables s’agissant de la conciliation des temps personnels et familiaux avec le temps de travail :
- 12 % des enseignants et 13 % des cadres de catégorie A de l’administration se déclarent en difficulté de conciliation ;
- Ce pourcentage est de 17 % dans la population générale de salariés (et de 14 à 23 % pour les cadres privés).
Pour ces fonctionnaires, essentiellement de catégorie A et B, et travaillant dans le secteur administratif, la conciliation constitue même « l’avantage principal » de la fonction publique.
Toutefois, ici encore, certains métiers publics sont très exposés aux difficultés de conciliation
- 35 % des chefs d’établissement dans l’Education nationale déclarent des difficultés à concilier leur vie professionnelle avec leurs besoins personnels et familiaux.
- 37 % des agents publics des métiers de la sécurité (armée, police, pompiers) sont concernés. Contre 28 % pour les agents de sécurité privée.
- 39 % pour les infirmières et 38 % pour les médecins du secteur public, contre 19 % dans les deux cas pour leurs homologues du secteur privé.
- Les durées travaillées varient également selon les caractéristiques sociodémographiques. Les hommes et les agents de moins de 30 ans ont une durée de travail annuelle supérieure à celle des femmes et des autres classes d’âge. Par construction, la composition de la fonction publique présente donc un premier biais. ↩
- 31,7 jours de congés en moyenne pour les agents publics contre 25,5 jours pour les salariés du privé. Cette différence tient aux choix de lisser conserver les régimes horaires hebdomadaires antérieurs aux 35 heures. ↩
- Sauf agriculture. ↩
- Et les deux phénomènes se conjuguent : 37 % des contractuels de la fonction publique sont à temps partiel. ↩
- Cette même enquête (Emploi, 2019) révèle que 13 % des répondants du secteur public disent « choisir » leur temps partiel, contre 10 % des répondants du privé. ↩
- A titre d’exemple, 4) du 1. : « Hors circonstances exceptionnelles et télétravail ponctuel, lorsque l’administration souhaite mettre fin à une autorisation de télétravail, sa décision, communiquée par écrit, doit être précédée d’un entretien et motivée au regard de l’intérêt du service. » Par ailleurs, l’administration doit respecter un délai de prévenance d’au moins deux mois (sauf période probatoire).
Et, plus loin : « Les nécessités de service peuvent également justifier, sous réserve du respect d’un délai de prévenance, l’exigence d’un retour sur site pendant un jour de télétravail. Lorsqu’un retour sur site apparaît impératif pour plusieurs jours consécutifs, il peut être procédé à une suspension provisoire de l’autorisation de télétravail. Cette suspension doit être motivée par des nécessités de service. »
La souplesse est donc à la main du travailleur (absence de motivation et délai raccourci), tandis que l’administration doit justifier ses décisions dans le cadre d’une procédure contradictoire et se voit imposer un délai de prévenance relativement long. ↩
